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Un lundi en 2025

Un lundi en 2025

Nantes, le 6 octobre 2025… Après une semaine de vacances en Irak, j’avais bien besoin d’une nuit de repos avant de faire mon premier jour chez Planète Robots Industries. Depuis plus de cinq ans, je rêvais d’entrer dans cette société et là, elle me donnait ma chance… Il était hors de question de rater cette promotion !

Un réveil en douceur
Une voix douce me réveille avec tendresse… C’est mon terminal holographique portatif, qui joue une vieille mélodie des années 1960, en diffusant le clip arrangé et mis en relief au-dessus de ma table de nuit. Les cuivres de ce blues tintent à merveille grâce aux papiers peints vibrants — de concert avec mon terminal. Par le biais de ses millions de LEDs, le papier peint laisse peu à peu transparaître la douce lumière d’un lever de soleil au-dessus d’une plage grecque. Mon réveil a été déclenché à peine cinq minutes avant l’heure à laquelle je lui avais demandé de me sortir du lit. Il a pris en compte mon attitude et ma température afin de calculer au mieux le moment de m’extirper de mes songes sans que je ressente la moindre fatigue. Higgins, mon robot majordome, demande à entrer. Il vient me donner les dernières nouvelles des actualités internationales sous la forme d’une vidéo tridimensionnelle, sur mon terminal, et finit par m’annoncer une météo très humide. Il s’empresse donc de me proposer de revêtir des vêtements adéquats. Je lui précise alors que je dois être au mieux de mon apparence car je débute dans un nouvel emploi. Au bout de quelques instants, une tenue classe et anti-humidité sort de mon placard et Higgins la dépose sur mon lit, tout en me demandant quelles céréales je désire avec mon chocolat, ce matin…

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Reem C de Pal Robotics
Voici à quoi pourrait ressembler notre robot majordome – Ici un design du Reem-C de Pal Robotics vu par Jason Falconer

Je file dans ma kitchenette, mon chocolat commence à bouillir dans le micro-ondes et de succulentes céréales sont déjà dans un bol, avec un peu de sucre et de lait froid. J’ai dû fouiller pendant des semaines dans les paramètres de mon système domotique pour personnaliser ce petit déjeuner. Ce n’est pas que ce soit compliqué mais il existe tellement de possibilités que l’on a du mal à choisir ce que l’on veut. Aujourd’hui, nous gagnons du temps sur plein de choses, mais nous en perdons énormément à peaufiner le tout pour nous satisfaire le mieux possible. D’ailleurs, le paramétrage du domicile est devenu un vrai passe-temps pour de nombreuses personnes. Elles en changent en permanence (elles modifient les photos diffusées sur les papiers peints de chaque pièce, la sonnerie de la porte d’entrée ou bien donnent à leur robot la tessiture d’Ayumi Hamasaki).

Pendant que j’avale mes céréales, je consulte le montant de mes dépenses sur un projecteur holographique, qui me propose la liste des achats à faire : lait, œufs et quelques légumes. En effet, c’est la poubelle qui lit les puces RFID de tout ce que je jette — et comptabilise mes besoins : je n’ai plus qu’à valider le tout pour me faire livrer ce qui m’est nécessaire. Après avoir terminé, je demande à Higgins d’appeler un taxi d’ici un quart d’heure, puis je finis de me préparer…

Taxi et hypersonique

Puyo de Honda
Le Puyo de Honda pourrait être proche des designs de nos futures voitures urbaines.

Je sors de chez moi et m’avance vers le terminal de taxis le plus proche de mon domicile. Là, un véhicule deux-places entièrement automatisé m’attend — mon nom affiché sur le pare-brise. Je dépose mon porte-document électronique sur le siège et m’assieds à côté. Une voix se fait entendre et me rappelle qu’il faut boucler la ceinture puis me demande la destination. Pour une fois, le taxi reconnaît l’adresse dès la première fois que je la lui dis. Pour éviter d’avoir à la lui répéter une prochaine fois, j’enregistre le parcours sur mon terminal via l’application dédiée aux taxis. La voiture démarre prudemment et suit la voie réservée aux véhicules automatiques. La route bouchonne, même si la circulation est plus fluide qu’il y a quelques années, avant que les systèmes de géolocalisation Galileo 2.0 ne gèrent le trafic aux heures de pointe en redirigeant les voitures ainsi géolocalisées (automatiques ou non) vers les voies les moins engorgées, quitte à parcourir plus de kilomètres. Pas de problèmes pour l’autonomie des voitures, désormais. Les batteries des taxis ne sont pas prévues pour de longues distances autonomes : ils tirent en fait leur énergie de deux patins qui collent à la route et récupèrent de l’électricité dès qu’ils touchent les bandes conductrices. Quant aux batteries, pour minimes qu’elles soient, elles gèrent les moments où les patins s’éloignent des bandes…

Reaction Engines A2
Le britannique Reaction Engines A2 pourrait voler à Mach 5 d’ici une quinzaine d’année

Afin de calmer mon stress, je prends des nouvelles de mes amis via un réseau social, sur mon terminal holographique. J’entame ainsi une discussion avec Leeloo, une copine rencontrée sur un forum et qui partage avec moi le goût des voyages. Je lui raconte mes aventures en Irak, le pays qui attire le plus de touristes depuis au moins dix ans. Et surtout de mon émerveillement quand j’ai contemplé la reconstitution holographique (en taille réelle) de l’ancienne Babylone (tour de Babel et jardins suspendus compris). Chaque visiteur, équipé d’oreillettes, était guidé dans sa langue maternelle. Nous marchions sur un simple plancher en bois ; cependant, nous croyions nous déplacer sur de la terre ocre, celle qui a servi à bâtir la magnifique ziggourat qu’était la tour de Babel. (Je suis à peine resté deux jours — mais ce fut intense !) Afin d’aller plus rapidement sur place, j’ai cassé mon budget vacances en utilisant un A2, un avion hypersonique capable de voler à Mach 5. L’aéroport de Bagdad vient tout juste d’agrandir ses pistes et de construire de nouveaux bâtiments pour accueillir ces avions de taille impressionnante. Mais ma petite balade paraît toute simple à côté du délire que vient de se payer Leeloo ! Elle s’est offert un voyage circumlunaire chez Virgin Galactics et décolle dans six mois du Spaceport America. Sa croisière lui coûte plus de dix fois ce que j’ai payé pour ma promenade du week-end. Elle travaille dans le photovoltaïque — cela explique le montant de son salaire !

Un revendeur de robots

Casque virtuel
Les casques virtuels sont d’ores et déjà utilisé dans la recherche

Mon taxi me dépose à quelques centaines de mètres du bâtiment de Planète Robots Industries. Autrefois simple magazine, Planète Robots est maintenant, en plus, un centre de recherche en cybernétique, robotique et domotique. Je suis accueilli par un robot — qui demande à scanner mon terminal holographique. Puis me fait signe de le suivre et me mène à mon nouveau chef. Nous échangeons quelques données administratives entre nos terminaux par liaison sans fil, puis M. Pillow me fait visiter les laboratoires dans lesquels je vais travailler. Pour commencer, nous entrons dans la salle d’analyse des designs. Des ingénieurs se côtoient dans cette immense surface sans même vraiment se voir, chacun étant totalement immergé dans son univers. Certains visionnent leurs créations par le biais de casques virtuels et communiquent avec elles comme si elles étaient vraiment présentes ; d’autres utilisent des lunettes de réalité augmentée et font apparaître sur leur rétine des objets qui n’existent pas dans la réalité…

« Ils sont à la fois connectés au réseau et à leurs projets, mais manquent de connexions sociales et ne partagent pas assez leurs connaissances, me dit M. Pillow, inquiet. Votre tâche principale consistera à redonner un lien physique aux communications sociales. » Il est vrai que ces dernières années, avec le développement des réseaux sociaux sur les terminaux holographiques, chacun personnalise son espace avec ses photos et ses vidéos 3D et ne le fait plus que pour lui… L’homme est devenu nombriliste et ne regarde même pas les espaces de ses amis. Il est bien loin, le temps où Internet permettait de créer de réelles communautés humaines capables d’improviser des danses au cœur même des magasins ou bien d’immobiliser tous les gens dans une rue, au même instant — juste pour le buzz !

Imprimante 3D Eden 250
Imprimante 3D Eden 250, ce type d’objet est appelé à se généraliser dans les prochaines années.

Après cette salle, nous traversons un couloir où quelques imprimantes 3D fabriquent les pièces d’un nouveau prototype de main que la firme développe depuis quelques mois. Les imprimantes reçoivent lesdites pièces sous la forme de fichiers provenant des postes de CAO, puis utilisent plusieurs types de « crayons », suivant l’aspect désiré (matières plastiques ou métalliques coulées synthétiques). Ces pièces seront assemblées et testées sur un vrai robot afin de vérifier la faisabilité et la qualité de la main avant sa mise en production. Car même si l’on dispose de toutes les possibilités de l’imagerie immersive, rien ne vaut le concret avant de passer à la production massive…

Ensuite, nous visitons l’usine elle-même. Ici, des robots fabriquent des robots. Les humains n’ont pas disparu — loin de là ! Première industrie du monde, la robotisation a créé un bassin d’emploi de très grande capacité. Ici, les humains se cachent derrière les rideaux et travaillent au service Exploitation et Intégration, d’où ils pilotent les lignes de fabrication à la manière d’un jeu vidéo tridimensionnel. Ils installent les programmes de fabrication dans les serveurs et contrôlent leur bon fonctionnement. Un EDI (échange de données informatisées) reporte les incidents et les points de contrôle des lignes sur une maquette géante représentant l’ensemble de l’usine. Elle est constituée de millions de nanorobots qui se regroupent rapidement pour reformer en temps réel l’aspect général des lignes de production. Les couleurs sont générées par la face que chacun offre à l’observation (nous utilisons ici un ensemble de quatre couleurs primaires en plus du noir et du blanc) ; la quantité et la taille minuscule des nanorobots nous permettent de percevoir toute la palette des couleurs disponibles.

Terroir et Robotique

Drone pollinisateur
Vision, espérons non prophétique, d’un drône reprenant le travail des abeille si elles disparaissent.

La fin de la journée obligatoire de bureau se termine sur le coup de midi. Je prends un déjeuner sur le pouce à un distributeur : une mouflette grillée aux mogettes. C’est une espèce de pain grillé beurré, avec des haricots blancs et quelques lardons. Le sandwich est préparé derrière une vitre au moyen de deux bras robotisés et servi au bout de deux minutes, tout chaud, dans un support consigné par la machine. Aujourd’hui, il existe un réel retour aux valeurs de nos arrière-grands-parents, qui faisaient tout à la main. Nos distributeurs ne sont plus de simples intermédiaires : tout est fabriqué sur place… Nous avons juste remplacé les mains humaines pleines de bactéries par des mains robotisées aseptisées. D’ailleurs, notre agriculture est presque exclusivement biologique. En même temps, il apparaît facile de ne pas employer de pesticides quand on utilise les nanotechnologies pour soigner les plantes… Le problème principal des agriculteurs est la pollinisation des plantes, depuis la disparition d’un grand nombre d’abeilles. Il a donc fallu créer des microdrones qui volent de fleur en fleur pour déposer les bons pollens sur les bons pistils. Ce sont ces drones qui surveillent et protègent les plantes contre toutes sortes de nuisibles — en donnant l’alerte ou en agissant ad hoc de manière autonome.

Une réunion depuis la maison

QA Anybots
Un robot de télé-présence QA d’Anybots, il devrait permettre de futures séances de télé-travail.

Arrivé à la maison, je prépare Higgins pour la seconde partie de ma journée de travail. Le télétravail constitue désormais une pratique courante dans les entreprises (des heures d’agréable labeur passées à la maison avec sa famille, sa musique, dans sa propre ambiance). C’est le moment où l’on se forme, où l’on tient des réunions par le biais de la téléprésence, où l’on s’occupe de la partie administrative de son emploi… Pour ma première journée, j’ai droit à un documentaire sur mon terminal holographique, commenté par M. Pillow de chez lui et racontant la fabuleuse montée en puissance de Planète Robots Industries. Puis je rencontre, via des robots de téléprésence, quelques cadres de l’entreprise, qui m’accueillent chaleureusement. Le « googlisme » a définitivement remplacé le fordisme ! Les entreprises ont compris que le bien-être du personnel est la meilleure façon de le fidéliser et de le rentabiliser.

Une série et des jeux immersifs

Iwear de Vuzix
Des lunettes vidéo pour vivre vos films plus intensément – Iwear de Vuzix

Le soir, un ami vient me rejoindre — comme souvent. Nous aimons participer à des séries policières. Nous enfourchons nos casques virtuels, qui nous restituent plus que convenablement aux yeux de chacun. D’autres se personnalisent complètement et ne ressemblent pas du tout à leur avatar. Les séries sont devenues immersives : l’univers des images est en trois dimensions et dans certaines séries, nous nous trouvons vraiment dans la peau des personnages et pouvons réellement ressentir leurs émotions. Petit souci : manger du pop-corn se révèle moins pratique…

J’avale un bol de noodles livré par un restaurant asiatique et me lance dans une soirée jeux. Nos casques virtuels sont de nouveau branchés sur le cloud et nous rejoignons une partie de Wolrd of Starcraft. Ce jeu très immersif permet d’incarner un personnage et de le contrôler (contrairement à ce qui se passe dans la série). Des millions de joueurs s’y retrouvent, au sein d’un monde fictionnel, et y partagent des expériences. Histoire de mettre un peu de piment dans notre groupe, j’ai créé un personnage automatique — un bot. Désormais contrôlé par Higgins, il évolue très vite et nous fait ainsi progresser.

Monty Anybots
Le robot Monty d’Anybots, un exemple de robot majordome à l’étude

Une fois qu’Higgins a accompli toutes ses tâches ménagères, je le suis jusqu’à une petite pièce où je lui ai aménagé un matelas pour robots afin qu’il s’y allonge le temps de la recharge. Il se couche sur le matelas antichoc et je le couvre d’une couette d’entretien. Certains disent que l’on commence à devenir dingue avec les robots, qu’on manifeste trop d’empathie pour eux et plus assez pour les hommes… Je m’en fous — je l’aime bien, mon Higgins ! Pourtant, je l’ai déjà depuis deux ans : il commence à être dépassé !

Tiens — il faudrait que je passe au modèle de nouvelle génération, moi…

Frédéric Boisdron

Fiction tirée de Planète Robots n°11 de septembre 2011

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Equipe rédactionelle

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