Comment l’IA transforme et accélère la robotique

A l’invitation du Service Innovation du Groupe Bouygues, une matinée dédiée à l’innovation était organisée le 15 mai dernier réunissant experts,  chercheurs du CNRS et du CEA et industriels pour explorer les transformations majeures de l’intelligence artificielle appliquée à la robotique. A travers notamment  les cas d’usage des robots humanoïdes et des robots du nucléaire.

Comment l’IA transforme et accélère la robotique

Parmi les moments phares de cette matinée, une démonstration par le CNRS du robot chinois Unitree H1 qui a effectué à cette occasion quelques pas. Et l’explication d’un robot de levage imposant baptisé la « Murène » !

Depuis la Corée, une intervention de Sung Tai Kim (Bouygues Asia) a mis en lumière les avancées de ce pays en matière de déploiement.  Avec le géant Hyundai qui a racheté en 2023 Boston Dynamics.

Une nouvelle ère pour la mobilité des robots en Corée du Sud

A noter également  la présence de startup coréennes, telle Gole Robotics, dont les robots de transport circulent désormais sur plans dans les bâtiments en cours de construction. Facilitant le chantier et le travail des ouvriers.

Mais un enjeu de taille reste à résoudre pour les robots urbains en général. Il réside  dans leur autorisation à évoluer dans l’espace urbain. Or, c’est apparemment fait en Corée, le gouvernement semblant avoir donné son accord pour des robots de livraison dans les rues de Séoul.

Robots, IA et apprentissage : une promesse en cours

Gregorio Ameyugo,  directeur adjoint du CEA LIST,  a insisté sur les risques liés aux modifications environnementales qui affectent les performances des robots. Un simple changement de lumière peut altérer leur fonctionnement. Les robots sont formatés pour un usage spécifique. Il leur est plus difficile de s’adapter à un milieu changeant, imprévu. Telle est donc la promesse de l’IA afin de rendre les robots sensibles à l’endroit où ils évoluent…

Lun des concepts prometteurs est celui de RaaG – Robot as a Gateway (portail en bon français). Celui-ci explore l’apprentissage par démonstration. Une technique permettant aux robots d’imiter et d’améliorer leurs performances par observation.

Expert IA et robotique au sein du cabinet de conseil en ingénierie Emerton Data, Yannick Leo mise sur la démocratisation de la robotique. En proposant des formations. Avec une acculturation auprès de 300 personnes, il démontre qu’il est aujourd’hui possible de concevoir un premier petit robot, imprimé en 3D, en une seule journée dans le cadre d’ateliers proposés aux entreprises. Puis il propose, à partir de 100K€ d’accompagner alors vers l’achat et la mise en place d’un véritable robot humanoïde. Comme le Unitree H1,  un exemplaire de Booster Robotics ou encore l’emblématique robot français Mirokai d’Enchanted Tools.

Robotique et grands défis industriels

L’IA et la robotique sont également au cœur des grands enjeux industriels. Mehdi Adjaoue, ingénieur des Mines de Nancy, cofondateur et CEO d’ Eyepick, aborde les défis de la scalabilité.  C’est-à-dire la capacité à dupliquer les robots à grande échelle. Tout en isolant les données qu’ils collectent. Il a livré à cette occasion une démonstration épatante avec un robot de triage qui soulève les valises en aéroport, pour les poser sur les tapis roulants. Un marché porteur. La salle était conquise. Le robot doit éviter les objets peu coutumiers tels une poussette ou un surf, pour lesquels il faudra laisser un humain prendre l’objet.  Mehdi Adjaoue a également évoqué la confidentialité des données et l’importance de l’IA « edge ». C’est-à-dire une IA embarquée sur les robots qui ne laissent fuiter aucune donnée à l’extérieur, en théorie.

Quand la robotique devient indispensable dans le secteur nucléaire

Dans le secteur nucléaire, Bouygues Construction a confié avoir conçu des robots manipulateurs d’objets radioactifs et de nettoyage des sols contaminés, en partenariat avec le CEA List.

À ce jour, ces machines restent télépilotées. Depuis un poste doté de 8 écrans de contrôle à distance. Mais l’IA pourrait à l’avenir jouer un rôle clé. Le CEA à Marcoule, près d’Orange, affronte en effet une tâche titanesque : évacuer les déchets radioactifs datant des années 50. Ceux-là même qui datent de la première bombe atomique française !

Parmi les robots déployés, on trouve la Murène. Un très gros engin conçu pour reprendre des fûts de matières fissiles. Une prouesse technologique, avec ses dimensions de 2 m sur 3,30m, un poids de 11 tonnes et son autonomie de 8 heures, ses roues holonomes (multidirectionnelles). Sans oublier un capteur radiologique afin de vérifier le rayonnement ou les fuites de la matière transportée… Et surtout une redondance complète du système, les batteries protégées. On entre ici dans une robotique aussi fiable qu’un avion de ligne !  Un robot grue unique au monde.

Bouygues à aussi développé un petit  robot, plus proche  celui-ci d’un aspirateur, spécialisé dans l’assainissement des sols. Opérant par télé opération là encore. Toujours afin d’éviter d’exposer l’opérateur aux radiations mortelles….

Un humanoïde de plus à Toulouse

Après le Asimo de Honda et le géant Talos de l’espagnol PAL Robotics, voici que le laboratoire robotique du CNRS Laas  s’équipe d’un Unitree Robotics H1.

1m75, 70 kilos, des actuateurs dynamiques : cette prouesse conçue à Hangzhou coûte plus de 80 000 euros. Une somme très éloignée du million de dollars qu’il aurait fallu débourser pour s’offrir un des premiers robots de Boston Dynamics…

Le premier H1 du CNRS  était opéré à cette occasion par le chercheur Olivier Stasse et son doctorant en robotique Côme Perrot du CNRS Laas à Toulouse dont – cocorico ! – les algorithmes de leur librairie Pinocchio permettant de calculer la dynamique des corps articulés sont utilisés par le constructeur chinois.

Olivier Stasse rappelle aussi qu’avec ce robot H1, les sauts sont possibles, sans risquer de casser la garantie…

Le prochain défi académique pour le CNRS ? Faire naviguer, de manière autonome cette fois, le robot humanoïde H1 dans les rues de la ville rose.

Quel retour sur investissement pour ces robots ?

Aude Billard, physicienne Suisse, professeure à l’ EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) est l’une des chercheuses les plus réputées en robotique. Sa longue expérience éclaire son point de vue : si le prix des robots baisse, ce n’est pas le cas des coût implicites, des techniciens humains, et même de l’électricité. Elle envisage une révolution pour les entreprises plutôt qualitatives : réaliser des tâches plus vite évidemment. Et surtout de nouvelles choses que on ne pouvait pas faire avant car trop dangereuses, trop précises.

Enjeux démocratiques et économiques vus par le CNRS

Au-delà des prouesses techniques, ces innovations en IA et robotique soulèvent des questions sociétales majeures. Antoine Petit, président du CNRS, a évoqué l’impact de l’IA et de la robotique sur la consommation énergétique croissante, la gestion et confidentialité des données comme la reconnaissance faciale et le dilemme de la responsabilité juridique en cas d’accident impliquant une voiture autonome.

L’une des interrogations centrales reste la relation entre l’homme et la machine. Que va-t-on déléguer aux robots ? Si certains emplois disparaîtront, de nouveaux métiers émergeront, à l’image de l’électrification du XIXe siècle.

Avec humour,   Antoine Petit a rappelé qu’il y a 15 ans, les personnes qui lui disaient  “L’ IA moi jamais !” étaient souvent les pilotes d’avion, des médecins et des avocats, persuadés que leur savoir ne saurait été automatisé par un ordinateur. Le pilotage automatique et, plus récemment ChatGPT, ont tout remis en question depuis…

Une révolution technologique… et philosophique ?

Alors que dans les datacenters, les grands acteurs comme Nvidia affinent leurs algorithmes, une réflexion se dessine : dans 20 ans, que sera réellement capable de faire la robotique ? Le Président du CNRS ne veut pas se risquer à l’imaginer.

En revanche il pose la question : comment l’humanité décidera-t-elle de cohabiter avec ces machines intelligentes ?

En filigrane, une certitude s’installe : l’éducation et la prise de conscience collective seront indispensables pour appréhender cette révolution robotisée. Quelle sera notre valeur ajoutée ?

Nicolas Halftermeyer

Partagez cet article

Laisser un commentaire

Retour en haut