5 drones survolent Paris : ces mystérieux vols de drones se multiplient.

Paris survolé par des drones dont l’un au dessus de l’ambassade US.

Des drones ont été signalés cette nuit au-dessus de la Tour Eiffel, des Invalides, de la Concorde et de l’ambassade américaine à Paris.

Ce n’est pas la première fois que des drones sont repérés au dessus de sites dit «sensibles». En octobre 2014, plusieurs survols de ces petits engins avaient été signalés au-dessus de centrales nucléaires. Comme l’explique Le Figaro, «dans un certain nombre de cas, par de simples utilisateurs négligents, mais d’autres n’avaient pas été résolus».

Un de ces engins à hélices de petite taille a été vu survolant l’ambassade américaine vers minuit ; il volait entre 100 et 300 m d’altitude à l’aplomb du bâtiment. Vers deux heures du matin, c’est au-dessus de la Tour Eiffel qu’un drone a été aperçu.

Plus tard dans la nuit, deux ou trois drones ont été repérés dans le quartier de la Bastille, du côté de la tour Montparnasse, du ministère de l’Intérieur et de la rue du Faubourg Saint-Honoré, où se trouve le Palais de l’Élysée.

Rappelons qu’en décembre, la DGAC a publié une notice en dix points, rappelant les règles aux utilisateurs de drones de loisir.

  • je ne survole pas les personnes ;
  • je fais toujours voler mon drone à une hauteur inférieure à 150 mètres ;
  • je ne perds jamais mon drone de vue ;
  • je n’utilise pas mon drone au-dessus de l’espace public en agglomération ;
  • je n’utilise pas mon drone à proximité des aérodromes ;
  • je ne survole pas de sites sensibles ;
  • je n’utilise pas mon drone la nuit ;
  • je respecte la vie privée des autres ;
  • je ne diffuse pas mes prises de vue sans l’accord des personnes concernées et je n’en fais pas une utilisation commerciale (en cas de doute, je me renseigne).

La réglementation aérienne interdit les vols de nuit, les survols non autorisés d’agglomérations et le survol des sites nucléaires, dans un rayon de 5 km et 1 000 m d’altitude. Toute personne qui contrevient à ces principes risque un an de prison et 75 000 euros d’amende.

L’avis de notre spécialiste des technologies avancées : Alain Bensoussan, sommité ayant mis en place la plupart des lois informatiques et libertés ( parution numéro 31 | Janvier-février 2015)

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L’acquisition d’un drone civil est pour le moment ouverte à tous (ici, le nouveau Bebop de Parrot).

 

Le droit des robots et le développement des drones civils est-il compromis ?

La multiplication des survols, pourtant interdits par la réglementation, de centrales nucléaires EDF par des drones fait-elle peser une menace sur la technologie des drones civils?
INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES ET DÉTOURNEMENT DE FINALITÉ

Ce n’est pas un phénomène nouveau qu’une innovation technologique soit détournée des finalités pour lesquelles elle a été créée. Chaque innovation amène avec elle son lot de comportements déviants et de nouvelles occasions de commettre des crimes et des délits… Les incidents nés de l’utilisation illégale de drones qui émaillent l’actualité ne doivent  pas pour autant freiner le développement d’une technologie promise à un bel avenir et dont l’intérêt n’est plus à démontrer (1). Il ne se passe pas une semaine sans que de  nouvelles applications industrielles des drones civils soient en effet signalées. Le marché des drones civils se développe tout autant au service d’activités économiques  classiques (applications scientifiques, agriculture, mines, etc.) qu’à celui des sociétés de surveillance(2).

 

L’Usine Nouvelle a récemment consacré un dossier à « l’incroyable potentiel des drones civils » dans de nombreux secteurs de l’industrie française (3). Le Parlement lui-même s’intéresse à ce secteur très prometteur et vient de créer un groupe d’études sur « l’industrie du drone » à l’Assemblée nationale(4), sur la base d’un rapport du député Christophe Sirugue.

Parallèlement, depuis le mois d’octobre, une vingtaine de vols de drones ont été signalés  au-dessus ou aux abords de centrales nucléaires françaises (Belleville-sur-Loir, le Blayais, le Bugey, Cattenom, Chooz, Creys-Malville, Dampierre-en-Burly, Fessenheim, Flamanville, Golfech, Gravelines, Marcoule, Nogent-sur-Seine, Penly, Saint-Alban, Saint-Laurent-des-Eaux, etc.). Même si pour l’heure, ils n’ont eu aucune conséquence sur la sûreté et le fonctionnement des installations des sites survolés, ces incidents ont de quoi inquiéter par leur multiplication, leur simultanéité  et surtout par le fait que le mystère reste entier quant aux intentions (préparation d’actes terroristes ou simple volonté d’alerter sur des failles de sécurité?). Les survols ne sont en effet pas revendiqués. L’armée est encore en phase d’investigation… Dans le climat de tension actuelle face aux menaces d’actes terroristes, ces survols de zones ultrasensibles font craindre des risques d’atteinte aux parties vulnérables des centrales (piscines d’entreposage du combustible irradié, toit des centrales). On ne sait pas si elles pourraient en effet résister à la chute d’un drone porteur d’explosifs.

Cette question est prise très au sérieux par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui a organisé une audition publique sur le thème Drones et sécurité des installations nucléaires le 24 novembre 2014 (5). Cette audition publique a réuni les principales parties prenantes de la sécurité et de la sûreté des installations nucléaires pour faire le point sur l’état d’avancement de la réglementation qui leur est applicable, tant en France qu’en Europe.

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Les drones ont défrayé la chronique ces derniers temps (Montage avec un drone DJI Phantom 2). L’utilisation d’un drone apporte de nombreuses possibilités, comme celle d’atteindre des zones inaccessibles.

 

UNE REGLEMENTATION DES PLUS COMPLEXES

Le Code de la défense protège les installations dites « d’importance vitale » — au nombre desquelles figurent les installations nucléaires (art. L.1332-2) — et renvoie au Code de l’aviation civile en ce qui concerne les limites aériennes à l’intérieur desquelles « toute pénétration d’un aéronef non autorisé est interdite » (art. R. 2363-4). Ainsi, le survol des centrales nucléaires est interdit dans un périmètre de cinq kilomètres et de mille mètres d’altitude autour des sites.

drone-skycontroller-dedie-bebop-parrotEn outre, le Code de l’aviation civile stipule qu’« est interdite la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou par tout autre capteur des zones dont la liste est fixée par arrêté interministériel» (art. D.133-10) (6) ; mais cette interdiction risque de devenir aisée à contourner avec les innovations technologiques en matière d’imagerie. La qualité des appareils photo actuels permet peut-être déjà de réaliser des prises de vue au-delà de l’altitude à partir de laquelle le vol est autorisé.

Les sanctions sont quant à elles fixées par le Code des transports, qui punit de six mois d’emprisonnement et de 15000 € d’amende le fait pour un pilote de survoler, « par maladresse ou négligence », une zone du territoire français interdite (art. L.6232-2). Ce même code sanctionne d’un an de prison et de 75000 € d’amende la prise de vue lors du survol d’une zone interdite(art. L.6232-8). Les autorités peuvent en outre saisir « les appareils photographiques et les clichés qui se trouveraient à bord d’aéronefs autorisés à transporter ces objets, dans le cas où ces aéronefs seraient passés au-dessus de zones interdite» (art. L.6232-9).

 

LES CONTRÔLES

L’espace aérien au-dessus des centrales nucléaires est surveillé par l’armée de l’air, dans le cadre d’un protocole conclu avec EDF. Cet été, un Mirage 2000 a intercepté un ULM ayant survolé deux centrales nucléaires françaises(7). Et en 2013, le Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDADO) a dénombré quatre-vingt-neuf survols de zones interdites
temporaires, soixante et un survols de sites sans autorisation, quarante et une infractions et trente-sept mesures POLAIR (interventions de la gendarmerie par la suite).
Les contrevenants risquent un rappel à la loi (dans le cas manifeste d’une erreur de navigation) ou des peines d’amende, voire de prison, si leur intention était délibérée.

Ainsi, en février 2010, un pilote d’avion de tourisme CESSNA a été condamné à une amende délictuelle de 500 € pour avoir survolé la Centrale nucléaire de Penly(8). Et en mars 2013, un militant de Greenpeace a été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir survolé la centrale nucléaire du Bugey avec un parapente à moteur(9).

par Alain Bensoussan.

Avocat tehnologue, spécialiste du droit des technologies avancées et des robots.

www.alain-bensoussan.com


 

1 – Cf. notre article paru dans Planète Robots n°26
(mars 2014).
2 – Serge Michel, Drone d’époque, Le Monde.fr du 23-05-
2014.
3 – http://www.usinenouvelle.com/article/l-incroyable-potentiel-
des-drones-civils.N235967
4 – Compte-rendu de la réunion du 12-11-2014 :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/agendas/crbureau.
asp#20141112
5 – http://www.assemblee-nationale.fr/presse/communiques/
20141119-04.asp
6 – Liste des zones interdites de survol à titre permanent :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichSarde.do?reprise=true&p
age=1&idSarde=SARDOBJT000026503127&ordre=null&nat
ure=null&g=ls
7 – Laurent Lagneau, Un Mirage 2000 a intercepté un ULM
ayant survolé deux centrales nucléaires, posté dans Forces
aériennes, le 02-08-2014.
8 – CA Rouen, ch. correctionnelle, 15-02-2010, n° 09/00447.
9 – Trib. correctionnel de Bourg-en-Bresse, 27-03-2013.

 

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